Nouveauté santé Les lésions podales indexées en avril
Avril verra l’arrivée d’index de santé des pieds pour les races holstein et normande. L’ISU holstein est modifié pour y faire entrer un index de synthèse correspondant. Ces évolutions se justifient par le fort impact des boiteries en élevage.
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C’était l’une des promesses de la génomique : produire des index pour des caractères peu héritables, en priorité, ceux touchant à la santé des animaux. L’indexation d’avril apporte une avancée majeure pour les éleveurs en races holstein et normande. Les index portant sur sept caractères concernant la santé des pieds sont désormais publiés par les OS des deux races. En montbéliarde, les premiers index ont été diffusés par Umotest en décembre dernier, mais sur une forme encore limitée à cet OS et aux partenaires MO3SAN. Pour la holstein, un index composite a été calculé en les rassemblant. Dénommé STPI, il entre dans l’ISU avec un poids de 6 %. Troisième cause de réforme en élevage laitier, les boiteries ont une incidence économique importante qui impose de jouer sur tous les tableaux pour les réduire. La dermatite a une prévalence de 35 % dans la population, l’érosion de la corne est à 39 %.
« L’UMT eBis travaille sur ce sujet depuis plus de dix ans, expose Sophie Mattalia, cheffe de service dans le département génétique de l'Idele, et co-animatrice de l’UMT eBis(1). L’expérience des pays nordiques et des Pays-Bas nous a montré qu’il était possible de construire des index sur la santé des pieds en se basant sur les données fournies par les pareurs. » En effet, les index morphologiques tels l’épaisseur du talon et l’angle du pied ne suffisent pas à expliquer la prévalence des lésions podales. Une thèse réalisée dans le cadre de Génosanté (un programme visant à améliorer la santé productive des vaches laitières par la sélection génomique et la conduite d’élevage) a montré l’intérêt d’utiliser les données du parage. « Moins un caractère est héritable, plus nous avons besoin de données pour produire un index. Grâce au génotypage des femelles, nous pouvons avancer plus vite », précise Sophie Mattalia.
Regroupement des données de Gènes Diffusion et Innoval
Mais, pour disposer de phénotypes fiables, encore fallait-il que les données soient enregistrées de manière précise et harmonisée. Un travail a été conduit au niveau international dans le cadre d’Icar (2) et a abouti à la création d’un atlas de la santé du pied, auquel la France a beaucoup contribué. Toutes les lésions podales y sont décrites. C’est sur cette base que la France a défini une table d’enregistrement. Les pareurs ont été formés pour l’utiliser. Dans le même temps, les entreprises de sélection ont, elles aussi, travaillé à la création d’index de ce type, à titre privé. Elles y ont vu un moyen de se différencier. Gènes Diffusion a commencé de son côté tandis qu’Évolution (devenue Innoval depuis) organisait le programme Génosanté. Finalement et compte tenu de l’enjeu, les deux initiatives se sont rejointes et les données ont pu être rassemblées. Cela est essentiel car le volume de données disponibles sur les lésions des pieds reste relativement faible en France. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, la plupart des éleveurs n’effectuent pas de parage préventif systématique. Ils ont plutôt tendance à appeler le pareur ponctuellement pour des groupes d’animaux. Une même vache peut donc disposer de données en première lactation, mais pas pour les suivantes, ou l’inverse. Il était nécessaire de pouvoir valoriser toutes les données disponibles pour commencer. Au total, les informations utilisées pour les travaux de recherche concernaient plus de 220 000 vaches holsteins.
Un poids accru pour les lésions d’origine infectieuses
En pratique, ce sont sept caractères qui possèdent désormais un index. La synthèse STPI se compose de deux index composites. Le premier concerne les lésions d’origine infectieuse (SLI) et comprend trois caractères : la dermatite digitée (DER), la limace (LM) et l’érosion de la corne du talon (ER). En race holstein, il pèse 60 % dans la synthèse. La normande met également un poids plus important sur les lésions infectieuses. Le second index composite se rapporte aux lésions mécaniques (SLM) : ouverture de la ligne blanche (OLB), ulcère de la sole (US), bleime circonscrite (BLC) et bleime diffuse (BLD).
Cette construction a été retenue car il a été démontré que les deux types de lésions sont indépendants l’un de l’autre. En revanche, il existe des liens à l’intérieur de chaque groupe. La STPI fait son entrée dans l’ISU holstein. La normande l’intégrera dans un deuxième temps. Les OS vont publier ces index pour les taureaux en avril. En race holstein, la publication des index des femelles, prévue en mars, a été décalée d’un mois pour prendre en compte ce nouvel ISU.
Une sélection efficace malgré la faible héritabilité
L’intégration de ces nouveaux caractères dans l’ISU vise à maximiser le progrès génétique sur ces postes. Car, même si l’héritabilité est faible, la sélection est intéressante du fait qu’il existe une forte variabilité génétique. Dit autrement, les taureaux les mieux placés sur ces critères vont remonter dans les classements et devraient donc être plus utilisés tandis que ceux qui présentent des défauts marqués seront écartés. La sélection permettra un cumul des index positifs au fil des générations. Le rythme de progression devrait ainsi passer de 5 à 50 %. L’histoire montre que sur d’autres caractères peu héritables (santé de la mamelle ou fertilité, par exemple), le progrès s’est accéléré avec l’intégration des index dans l’ISU.
La recherche continue pour produire d’autres nouveaux index. Ils devraient concerner les émissions de méthane entérique, l’acétonémie ou encore la prise en compte de la variabilité génétique dans l’ISU. « La mise au point de la méthode Single Step a représenté un gros chantier aujourd’hui achevé », rappelle Sophie Mattalia. Cela ouvre de nombreuses perspectives. Le Single Step permet de gagner en précision grâce à l’utilisation simultanée de l’ensemble des informations (pedigree, performances, génotypage). Le Single Step présente plusieurs avantages, dont celui de mieux valoriser les informations des femelles phénotypées et génotypées. Il permet d’obtenir plus rapidement des index assez précis sur les nouveaux caractères. Cette méthodologie a été mise en œuvre en France en avril 2022. La gamme d’outils à la disposition des éleveurs pour sélectionner leurs animaux va donc encore s’étendre.
(1) UMT eBis : Unité mixte de technologie qui réunit des chercheurs de l’Inrae, l'Idele et Eliance pour développer ou améliorer les évaluations génétiques.
(2) Icar est un organisme indépendant qui définit au niveau mondial des lignes directrices et des normes pour l’identification, l’enregistrement et l’évaluation des animaux.
(3) Voir L’éleveur laitier n° 319, juin 2022, page 54.
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